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Projet stratégique de l’université de Lille 2020-2024 : l’université-cible
Le 31 janvier 2019, les conseils d’administration et académique de l’université de Lille ont été réunis simultanément (en "congrès des conseils") pour discuter du "projet stratégique de l’université".
Les documents préparatoires fournis, Projet stratégique et le tableau de bord associé ont inspiré à nos élu.e.s la déclaration que vous trouverez en cliquant ici, lue en séance.
La direction de l’Université nous prépare un nouveau "Bidulex", encore plus gros que l’université fusionnée. Basé sur le double principe du "Big is beautiful" et de TINA (There is no alternative), il s’agit là encore de regrouper, restructurer pour aboutir à une « université-cible »... avec les maîtres mot de la novlangue : attractivité et « excellence ». Mais, puisque « l’excellence » qui a dicté la fusion des 3 universités a été reconnue par l’attribution d’un financement I-site [1], pour quelle raison le cantique de TINA est-il encore entonné cette fois et quel est exactement le projet derrière « l’université-cible » qu’il faut désormais viser ?
La FSU est au regret de vous apprendre qu’il y encore moins de projet qu’avant... (Avant, rappelons-le, il fallait courir à la fusion pour avoir les sous de l’IDEX). L’unique raison, désormais, c’est "TINA, pour ne pas perdre l’I-Site..." (Donc maintenant, il faut courir encore plus loin, pour ne pas perdre les sous de l’I-site... dont les 15 millions d’€ annuels représentent l’équivalent de 2,68% du budget de l’université). Mais l’université-cible, c’est une nouvelle restructuration, avec des écoles d’ingénieurs en particulier (qui resteraient autonomes tout en étant dans "l’université-cible"), à l’aide du nouveau statut d’établissement expérimental ouvert par la parution d’ordonnances gouvernementales fin 2018, pouvant déroger largement aux règles définies dans le code de l’Éducation pour le fonctionnement des établissements d’enseignement supérieur et de recherche.
Alors que la fusion des 3 universités conduit à des dysfonctionnements non élucidés, à des défaillances budgétaires s’accompagnant de gels de postes et de serrages de ceintures pour les formations et la recherche, à une précarisation de plus en plus importante des personnels, à une souffrance au travail qui ne cesse d’augmenter, il ne faut surtout pas s’arrêter de courir, parce que : TINA !
Pour en savoir plus, voir dans le compte-rendu de nos élu.e.s le résumé des échanges à ce sujet, produit par nos élu.e.s.
Ci-dessous, quelques remarques sur le contenu des documents fournis :
Un projet rempli de bonnes intentions, dont on sait de longue date que l’enfer est pavé, et dont les documents ne disent surtout pas comment ça pourra se faire concrètement. Mais puisque TINA l’a décidé, ça sera sûrement possible de le faire !
Quelques exemples (et citations) :
- "développer une offre de formation modulaire, en lien avec les Ecoles si pertinent, conciliant des filières sélectives et des filières intégratives [...]" (Proj Strat, p1) : en clair, des mêmes modules de formation seront proposés indifféremment dans des formations sélectives et non sélectives ? Ça se pratique comment, concrètement, ce genre d’exercice de contorsion ? (rien dans le TdB à ce sujet)
- "assurer, en modélisant sur le nombre d’étudiants et d’enseignants, une équipe administrative et technique de haut niveau qui favorise une gestion optimale de chacune des composantes" (Proj strat, p1) : sous-entend t’on qu’actuellement certaines composantes ne sont pas gérées de façon optimale, car elles ont trop de personnel par rapport au nombre d’étudiants et d’enseignants et/ou n’ont pas une équipe administrative et technique de haut niveau ? Et donc, comment va se faire ce miracle d’y affecter les bons personnels et/ou de les délester des personnels jugés superfétatoires et/ou insuffisamment performants ?
- "évolution de la gouvernance : les conseils de composante auront un pouvoir important et leur direction sera fortement intégrée à l’équipe présidentielle de l’université, en proximité avec le Président et les Vice-présidences " (proj strat, p1) : quel est alors le statut juridique prévu pour ces composantes ? (dont le document assure qu’il n’y en aura plus qu’une dizaine seulement à terme). La direction sera-t-elle nommée par l’équipe présidentielle, pour assurer la "proximité" annoncée ? Ou bien les conseils de composante seront-ils renouvelés en même temps que la direction de l’université, ou juste après et en majorité composés de nommés par la direction de l’université, pour assurer qu’ils éliront bien la bonne direction de composante qui va bien avec la présidence ? Ce n’est en tous cas pas compatible avec le statut actuel d’UFR, donc ça veut sûrement dire d’autres types de composantes en utilisant les possibilités de dérogation et d’expérimentation ouvertes par les ordonnances parues récemment...
- "Une recherche éthique et responsable sera assurée" (proj strat p3) : ah, alors on n’est pas très sûrs que celle actuelle le soit ? En dehors de la "sensibilisation à l’intégrité scientifique" et de la création d’un comité d’éthique de la recherche (TdB, p5), comment assure-t’on ce genre de choses, concrètement ?
- "Attirer les talents" (TdB p6) : euh, ça se définit comment un talent, exactement ? le TdB ne donne pas d’éléments là dessus. Est-ce que le fait d’être lauréat d’un concours de recrutement EC avec des centaines de candidatures n’est pas suffisant pour être considéré comme un talent pour les MCF, par exemple ? C’est quoi alors un "talent junior" ?
Promettre tout et son contraire, c’est la stratégie ? :
Iil est bien réaffirmé (Proj Strat, p2), que l’université de Lille sera encore en redressement financier en 2020, ce qui - en clair - signifie des suppressions de postes supplémentaires en 2020 et des locaux pas améliorés pendant quelques années encore ("maîtrise de la masse salariale", "revoir le plan d’investissement sur le patrimoine").
Pourtant, en matière de formations, il est prévu de : "construire une offre de formation attractive car plus diversifiée" (proj strat p3), "modulariser l’offre de formation (proj strat p 1 et p4) : mais comment s’affranchir des contraintes d’emploi du temps et de salles disponibles pour ouvrir à plusieurs formations les mêmes modules quand il y a moins de profs pour faire les cours, moins de personnels administratifs pour les secrétariats pédagogiques et pas plus de salles disponibles ? Le TdB ne dit rien non plus sur le sujet, en dehors de fixer des indicateurs à atteindre. Peut-être que les financements supplémentaires nécessaires viendront de développement des "formations de haut niveau, (premium donc margées) grâce à l’organisation de réunions via les clubs de DRH" ? (p3 du TdB)
En matière de recherche, on prétend assurer un "pilotage qui dynamise la recherche" , fournir "un cadre optimal pour mener leurs travaux de recherche et activités", "être attentifs à l’encadrement et au respect des bonnes pratiques en matière de gestion des ressources humaines" (proj strat p3). On prévoit même "d’inciter les DU à suivre des formations RH" (TdB p5). [2] Mais en même temps, on veut continuer à étouffer toujours plus les collègues sous une paperasse supplémentaire, et à exclure un peu plus ceux qui sont marginalisés dans leurs unités de recherche, avec des appels à projets locaux : "des appels à projets internes et externes (avec l’ISITE) seront lancés dès 2019 pour renforcer l’interdisciplinarité et l’internationalisation". Il est vrai que dans le TdB, p 5, il est prévu de "diminuer le temps passé au montage administratif des projets par une ingénierie de projets de qualité et pro-active". Et on prétend aussi développer les décharges d’enseignement et de financer des CRCT. Mais si on n’a déjà pas les moyens de faire ça en ce moment, comment fera-t-on avec moins de personnels encore à l’issue des plans d’austérité ?
Heureusement, "Insérée dans la stratégie globale de l’ISITE, la démarche de soutien et d’expansion du périmètre d’excellence mobilisera des moyens supplémentaires pour accélérer la progression, avec des effets qui seront évalués à l’échéance de mars 2021." : mais comment définir "l’excellence" autrement que par la restriction à un périmètre restreint, délimitant ce qui est "excellent" et ce qui est juste bon, voire passable, et qui doit être d’autant plus restreint qu’on veut que ça soit plus "excellent" ? Donc, si on élargit le périmètre "d’excellence" (en deux ans à peine) alors que justement, les collègues de ces équipes là ne faisaient pas partie des heureux "excellents" du départ, ne risque-t-on pas d’affaiblir "l’excellence" initialement proclamée des "excellents" du départ [3], qui n’ont en outre aucun intérêt à ce que d’autres nouveaux "excellents" viennent pomper dans les crédits réservés aux "excellents" ? Et qui va définir les nouveaux "excellents ?" Eux-mêmes ? Ou les "excellents" (auto-proclamés ?) du départ ?
[1] faute d’un périmètre d’excellence suffisamment diversifié thématiquement pour obtenir un IDEX...
[2] Ce n’est pas le SNESUP-FSU qui va refuser de telles propositions, il y a en effet un manque de ce point de vue, si l’on en juge par le nombre de fois où des collègues s’adressent au syndicat pour des problèmes graves dans leur unité de recherche...
[3] Rappelons que l’une des précédentes candidatures lilloises à l’IDEX n’a pas été retenue en raison d’un périmètre "d’excellence" insuffisamment "resserré"
Claire Bornais
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