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Réponse du Snesup-FSU à la consultation sur l’IDEX Lille Nord de France
Contribution Snesup-FSU à l’IDEX Lille Nord de France
Et finalement les 7 IDEX présélectionnés
Les établissements membres du PRES Lille Nord de France ont déposé début Janvier, un avant projet dans le cadre de l’initiative IDEX sans aucune consultation préalable de leurs conseils.
On nous propose maintenant de rédiger des contributions sur ce projet déposé.
Cette phrase de l’appel à contributions prend donc tout son sens : « Dans l’hypothèse d’une sélection de l’avant projet, il importe de le travailler, pour l’améliorer et pour élaborer le projet définitif, et de le discuter au sein des différents établissements. »
Les contributions demandées concernent les volets suivants :
Politique de recherche, formation tout au long de la vie et valorisation
Gouvernance de l’IDEX
Place de l’IDEX dans l’organisation et l’évolution du système d’enseignement supérieur et de recherche en région (comment organiser des retombées positives de l’IDEX sur l’université dans son ensemble, mise en perspective avec l’évolution du PRES, le projet de l’université publique régionale…).
En juillet 2010, à l’occasion de l’appel à contribution sur l’Université Régionale, la FSU avait énoncé les principes suivants qu’elle considère comme intangibles :
un périmètre strictement cantonné au secteur public,
le maintien de la diversité des formations dispensées, des disciplines enseignées, des thématiques de recherche et notamment du lien entre Enseignement et Recherche car notre région n’a pas vocation ni intérêt à se cantonner à quelques créneaux,
un maillage géographique équitable et cohérent, une politique d’équité en matière de droits d’inscription et de conditions d’admission garantissant un accès à l’ensemble des bacheliers,
une politique en matière sociale et d’emplois visant à améliorer effectivement les conditions de travail des personnels comme celles des étudiants,
une action continue visant à combler le gros retard régional en personnels des organismes de recherche (CNRS, etc)
le maintien des personnels (notamment ceux recrutés à l’avenir) dans la fonction publique ainsi que la mise en oeuvre rapide d’une politique de résorption de la précarité chronique des personnels contractuels, toutes fonctions et tous statuts confondus, afin de leur assurer la stabilité qui correspond au rôle essentiel qu’ils assument dans le fonctionnement universitaire,
un mode de financement majoritairement public et pérenne qui seul permet la réalisation des missions de service public de l’enseignement supérieur et d’une recherche indépendante et évite aux établissements de tomber dans des logiques de pure prestation de service aux entreprises et collectivités locales,
une direction assurée par des instances élues au suffrage direct, représentatives des différentes catégories de personnels et d’usagers, appuyée sur un fonctionnement démocratique et transparent garanti pour l’ensemble des niveaux de décisions,
la garantie des traditionnelles libertés académiques et de conscience des universitaires dans l’exercice de leurs missions.
Il nous semble donc normal d’appliquer à cet appel à projet IDEX le même crible !
Une première constatation : La logique de l’excellence, mère de l’exclusion
Ces appels à projets IDEX poursuivent le travail de sape du service public de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche entamé par les projets campus, loi LRU, … Il s’agit bien de légaliser un espace universitaire à deux vitesses : à quelques unes, l’appartenance à des pôles d’excellence, au plus grand nombre, le lent glissement vers ces PUP (Pôles Universitaires de Proximité)...
Il est en effet précisé dès l’introduction de l’appel à projet : « L’action (Idex) vise, en faisant de la recherche de niveau international un levier et un moteur, à faire émerger sur le territoire français 5 à 10 pôles pluridisciplinaires d’excellence d’enseignement supérieur et de recherche de rang mondial. Ces pôles seront organisés sous la forme de regroupements territorialement cohérents d’établissements d’enseignement supérieur, universités et écoles, impliquant des organismes de recherche, et en partenariat avec des entreprises. »
Tout défenseur du service public de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche doit donc s’y opposer !
Le projet Lille Nord de France présente-t-il une conception vertueuse qui mériterait de nous un soutien local ?
La lecture de l’avant-projet montre que ce projet :
ne garantit aucunement un périmètre public ni un fonctionnement de service public. Au contraire, on retrouve parmi les participants, la FUPL (Fédération universitaire polytechnique de Lille alias « la Catho ») qui est qualifiée illégalement dans le document d’université privée !
ne garantit aucunement des décisions et un contrôle démocratique,
Bien au contraire, on nous y vante une gouvernance s’appuyant sur trois instances :
1.Un Directoire-exécutif, dirigé par un chercheur rendu incontestable par son parcours scientifique et des compétences managériales,
2.Un Conseil scientifique international (CSI), composé de 12 membres et comportant au moins 2/3 de personnalités étrangères, chercheurs et enseignants-chercheurs ainsi que des responsables R&D d’entreprises sans aucune mention d’une quelconque modalité élective de désignation,
3.Un Conseil de Surveillance composé de 18 membres émanant pour partie du Conseil d’Administration de l’ULNF et associant les financeurs et les organismes de recherche engagés fortement dans les programmes. Connaissant le caractère peu démocratique du CA du PRES, on appréciera à sa juste valeur cette « émanation du Conseil d’Administration de l’ULNF » !
Tout juste, nous est vendue une préfiguration d’un PRES Université Lille Nord de France (ULNF) version 2 : « une révision du mode de fonctionnement de l’ULNF. Seuls ou réunis en Sénat académique, deux conseils, Recherche et FTLV, associant des élus représentatifs des différentes catégories de personnels et étudiants, seront forces de proposition de projets émanant des instituts pour le CSI et pour le Conseil d’Administration de l’ULNF. » Mais aucun pouvoir de décision, ni de contrôle !
ne garantit aucunement la non-exclusion de personnels comme de thèmes de recherche « Le périmètre d’excellence de l’Idex Lille Nord de France est constitué de 4 clusters d’excellence scientifique, piliers du projet » qui rassemblent une communauté de 1450 chercheurs et enseignants-chercheurs, 260 post-doctorants et 1300 doctorants. « Les équipes correspondantes sont toutes labélisées au meilleur niveau A+ » Quid des autres ? C’est à dire des 130 000 étudiants, 4 600 chercheurs et enseignants-chercheurs, 3000 doctorants revendiqués par le PRES Lille Nord de France.
ne garantit aucunement la non relégation des formations étiquetées « non excellentes »... Celles qui seront extérieures à ces « International Graduate School » se verront directement concurrencées par ces formations d’excellence !
A la question : « Le projet Lille Nord de France présente-t-il une conception vertueuse qui mériterait de nous un soutien local ? », il faut donc conclure que la réponse est NON !
Mais, en soi, rien d’étonnant, il en est de même pour tous les projets IDEX car parmi les critères d’éligibilité de l’appel à candidature, on peut noter (http://www.agence-nationale-recherche.fr/investissementsdavenir/documents/ANR-AAP-IDEX-2010.pdf) :
« Le jury veillera à évaluer les projets non seulement en fonction de leur qualité scientifique actuelle telle que démontrée dans la proposition, mais également en fonction de leur caractère transformant et de leur volonté de dépasser les situations actuelles, de faire évoluer les modes de gouvernance, de structurer les activités des acteurs partenaires des dits projets, d’avoir un effet d’entraînement sur la qualité de l’ensemble des activités d’enseignement supérieur et de recherche sur le site et d’améliorer leur organisation, de produire un impact sur leur environnement socio-économique et de développer leur attractivité internationale. »
« en recherchant un degré élevé d’autonomie et une gouvernance équilibrée - avec un partage des rôles entre la communauté académique et l’exécutif, sous le contrôle d’un conseil d’administration resserré, largement ouvert à des représentants extérieurs »
un fléchage garanti des moyens humains et financiers sur le périmètre d’excellence, « garanties sur le processus interne d’allocation des moyens humains et financiers en relation avec les objectifs et la dynamique du projet et sa vocation d’excellence dans ses différentes fonctions », « garanties sur la concentration effective des financements sur le périmètre d’excellence »
et un engagement à rapprocher structurellement les acteurs du projet (PRES de seconde génération ou fusion).
Autrement dit, tout ce à quoi vous ne pourrez pas échapper en cas de sélection du projet IDEX Lille Nord de France, et les raisons pour lesquelles nous appelons la communauté universitaire à s’opposer à ce type de projet !
- Ces IDEX échapperont totalement aux instances représentatives des établissements participants, sommés pourtant de flécher crédits et postes, mais n’échapperont surtout pas au poids croissant des financeurs institutionnels et privés auxquels on réserve une place importante au sein des futurs Conseils de l’IDEX.
- Leurs ressources seront gérées par une Fondation de Coopération Scientifique de droit privé permettant l’emploi de personnels sous contrats de droit privé à l’aide de financements en grande partie publics (subventions des collectivités, apport du ministère, subventions des établissements membres). Signalons au passage que l’engagement dans une fondation quelle qu’elle soit n’est pas révocable selon la législation.
- Ils fonctionneront selon un modèle libéral de gestion des ressources humaines proposant primes individualisées, allègements de service, chaires d’excellence, …
- Les formations d’excellence pourront se doter de règlements des études dérogatoires (sélection, frais d’inscriptions...) , ce que l’on peut traduire par sélection sociale.
- En l’absence d’une autre structuration universitaire régionale, le poids du PRES sera renforcé et l’avenir des universités régionales définitivement scellé.
- Non seulement les universités seront à deux vitesses, mais à l’intérieur des mêmes établissements, des mêmes laboratoires, se côtoieront les personnels du périmètre d’excellence et les autres. Ces derniers seront chargés d’assurer les enseignements pour la masse et devraient ainsi être les futures victimes de la modulation des services à la hausse...
- Le projet Idex risque d’accélérer la tendance actuelle, avec la dé-qualification des études universitaires et des futures Licences de proximité en un choix par défaut, proposé à ceux qui ne sont admis ni dans les parcours élitistes ni dans d’autres formations professionnelles.
- la mise en concurrence entre établissements, voici l’annonce de la compétition à l’intérieur des établissements, des laboratoires, entre personnels, entre étudiants, … prémisses de la vente à la découpe de nos établissements au profit du Marché de la Connaissance !