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La SATT Nord Valo, point d’étape au 26 juin 2015
Après 3 ans d’existence des Sociétés Accélératrices de Transfert de Technologies (SATT) (un âge d’évaluation et non de raison) et alors que la convention qui lie Lille 1 à la SATT Nord risque de rendre ingérable la candidature aux programmes de financement européen H2020 (Horizon 2020), il nous est apparu utile de faire le point.
Acte I : Création de la SATT Nord
En 2010, dans le cadre des Investissements d’Avenir, un appel à projets doté de 900 M€ est lancé en vue de soutenir la création d’une dizaine de Sociétés d’Accélération du Transfert de Technologies (SATT). Elles ont vocation à regrouper l’ensemble des équipes de valorisation de sites universitaires pour, précise l’appel d’offre, « améliorer significativement l’efficacité du transfert de technologies et la valeur économique créée ». D’où leur nom.
Dans les faits, c’est la privatisation des opérations de valorisation par le transfert de l’exclusivité des activités de valorisation à des SATT de statuts de Société par Actions Simplifié.
La FSU avait analysé et dénoncé cette logique au sein du Conseil Scientifique et du Conseil d’Administration de Lille 1 lors des délibérations sur la réponse à l’appel à projet. (Lire SATT : "pompes à fric public" pour poches privées ?).
Voir aussi notre courrier à la ministre
L’appât de la dotation d’amorçage était irrésistible pour la présidence de Lille 1. La participation de Lille 1 au projet de SATT est donc adoptée au CA de Lille 1 le 10 décembre 2010 par 15 voix pour, 2 abstentions et 7 Contre (élus des listes FSU-CGT, et un élu Ouverture et Indépendance).
(liens sur les notes CA et le PV)
Acte II : La convention qui nous lie à la SATT (12 avril 2013)
Lors du débat sur la convention liant Lille 1 à la SATT Nord, la FSU s’était battue, avec d’autres, pour limiter au minimum les transferts d’activités vers la SATT. Nous avions gagné sur la gestion des contrats de recherche, mais pas sur la valorisation. Il aurait été nécessaire de cantonner la convention aux seules activités de maturation, celles pour lesquelles nous n’avions pas les services et compétences nécessaires (En effet, nous avions le SAIC, voir plus loin).
La convention a été adoptée par 11 voix pour, 10 contre et 3 abstentions. Le collectif « Construire Ensemble » était l’artisan de ce vote favorable alors que le collectif « Ambition » rejoignait nos positions.
Entre SAIC et SATT, quelques différences à signaler :
Les comptes du Service d’Activités Industrielles et Commerciales (SAIC) de Lille 1 sont présentés chaque année au Conseil d’Administration et participent à l’équilibre budgétaire. Le SAIC a contribué au fonds de roulement de Lille 1 à hauteur de 2,6 M€ en 2013, 1,1M€ en 2014 et peut-être 1,7M€ pour 2015. Notons que l’actuelle situation financière de Lille 1 nous rappelle à notre devoir de préserver un tel outil d’investissement et de mutualisation.
Le SAIC est un service de Lille 1 alors que la SATT est une SAS qui, quelque soit ses actionnaires défend ses propres intérêts avant tout (il en va de sa survie) quitte à s’opposer à son actionnariat.
L’interaction de Lille1 avec la SATT s’effectue via la COMUE. Comment ?
Un rapport annuel doit être présenté et soumis à la délibération du CA de la COMUE comme il est de règle pour toute société et filiale dans lesquelles la COMUE est impliquée (R711-15 du Code de l’Education). Le rapport annuel du commissaire au compte sur la SATT doit également être communiqué aux représentants au CA de la COMUE. Ces obligations réglementaires n’ont pas été respectées si l’on se base sur les ODJ du CA du PRES puis de la COMUE qui nous parviennent grace aux seuls représentants syndicaux qui y siègent au titre du CA de Lille 1 (élu UNSA puis élu CGT). Une représentation ’multi-couches’ donc difficile à suivre et à contrôler.
Les salaires des personnels de la SATT ne sont pas soumis aux grilles de la fonction publique.
Les actionnaires peuvent attendre longtemps le versement de dividendes !
A partir de 2016, le fond national de valorisation (l’Etat) accordé à la SATT aura été consommé. Les prestations de la SATT seront intégralement facturées même aux actionnaires. Quelques exemples : de l’ordre de 4000 euros pour rédiger un contrat ; la prestation de 8 heures de formation au prix de 11 000 euros !
Et que pensent les utilisateurs de la SATT Nord des trois ans d’existence ? Votre avis nous intéresse !
Acte III : De l’incompatibilité entre l’exclusivité accordée à la SATT et les candidatures aux programmes de financement européens
Non seulement, nous attendons toujours de cette SATT qu’elle présente un bilan de ses activités (sans cesse réclamé par les élus FSU-CGT, sans cesse reporté !) alors qu’elle vient d’être auditée comme toute SATT atteignant ses 3 ans révolus, mais pire, la convention qui nous lie à la SATT Nord risque de mettre en péril nos chances de candidature aux programmes européens Horizon 2020 (‘General Multi-beneficiary model grant agreement for the Horizon 2020 programmme’) .
En effet, du fait du mandat exclusif et de la licence exclusive sur les connaissances et résultats des universités au profit de la SATT, cette dernière est la seule à pouvoir prendre des engagements quant à l’utilisation des résultats de recherche des laboratoires.
Ainsi dans le cadre des projets H2020, l’université Lille 1 devra :
informer ses partenaires européens de ses possibilités, impossibilités et conditions d’apport de ses connaissances propres au projet ainsi que des limites commerciales et non commerciales fixées par la politique de la SATT Nord Valo à l’accès à ses résultats,
recueillir lors de l’élaboration de l’accord de consortium et avant toute finalisation de la convention de subvention, l’accord écrit de tous ses partenaires européens autorisant la concession d’une licence exclusive au profit de la SATT sur les résultats obtenus. Une licence exclusive impose que tous les partenaires (même ceux hors périmètre de la SATT) acceptent de céder leurs droits.
Cela correspond à la lecture du texte de la commission européenne (lire art 30)
Autre point qui peut poser problème avec les cessions de droits de cette convention : l’article 30.3 (p. 67) du texte de la commission européenne est celui des obligations posées sur l’exploitation des résultats potentiels des recherches financées : par ce contrôle, l’UE cherche à préserver, à juste titre, la compétitivité européenne, ses considérations de sécurité ainsi que ses principes éthiques. L’obligation de fournir, avant tout transfert et cession de droits..., une planification ou projets d’exploitation des résultats complique un peu plus le dédale des opérations. En effet, la SATT n’est qu’un intermédiaire et prestataire de services dont une des activités est la conclusion et la gestion de contrats notamment d’exploitation : une forme de sous-traitance. (Article 2 des statuts de la SATT).
Acte IV : La rédemption est-elle encore possible ?
Après de longs mois d’alerte par les différents services concernés, la présidence décide de proposer un avenant modifiant la convention entre Lille 1 et la SATT. Il est présenté et adopté au CA de Lille 1 à l’unanimité le 22 Mai 2015.
Le préambule précise :
L’ETABLISSEMENT a pris contact avec la SATT NORD pour lui faire valoir que certaines dispositions de la CONVENTION pouvaient entraver la soumission et la conclusion de Contrats européens Horizon 2020, notamment en ce que certaines dispositions indiquaient que l’ensemble des Résultats des laboratoires de l’ETABLISSEMENT étaient confiés exclusivement à la SATT NORD.
La SATT NORD, soucieuse de prendre en compte les intérêts communs de l’ETABLISSEMENT et de la SATT NORD, accepte de modifier certaines dispositions de la CONVENTION pour établir clairement que l’ETABLISSEMENT reste propriétaire des travaux de ses laboratoires listés en Annexe 1 et libre d’en disposer librement, pour autant que :
• La SATT NORD soit tenue informée de l’engagement de ces travaux sur des projets de recherche en partenariat avec des entreprises afin de lui permettre de se positionner sur une éventuelle valorisation desdits travaux ;
• Lui soit toujours accordée une licence exclusive sur les travaux pour lesquels elle aura demandé un mandat et lancé une ACTIVITE DE MATURATION et/ou un INVESTISSEMENT.
Dernier Acte : le Conseil d’Administration de la SATT n’a pas adopté l’avenant Lille1.
L’adoption de l’avenant comme la quasi-totalité des délibérations au CA de la SATT sont prises à la majorité simple incluant nécessairement le vote positif de trois (3) représentants de l’Associé « Caisse des dépôts et consignations » au Conseil d’Administration, les abstentions et les votes blancs ou nuls équivalant à des votes défavorables (article 11 des statuts)
Les représentants de l’état au travers de la Caisse de Dépôts et Consignations ont voté contre l’avenant proposé invoquant une incompréhension de la part de Lille 1 du texte européen.
Une incompréhension partagée, semble-t-il, par l’association nationale de recherche et technologie (anrt) et la Coordination des Universités de Recherche Intensive Françaises (CURIF).
Formation « HORIZON 2020 : les enjeux et les conditions du succès » (25 Juin 2014, Paris-Sorbonne).
Interpellé par les élus FSU-CGT au Conseil d’Administration de Lille 1, le président de Lille 1 n’a pas l’air de s’inquiéter outre mesure : « C’est la première fois que cette question de compatibilité avec les programmes européens est posée dans une SATT. Il est normal que l’Etat se saisisse de la situation. Une expertise par l’Etat est en cours. »
Finalement, et si nous voulons éviter l’isolement de nos laboratoires à l’échelle européenne et ne pas les priver d’une source de financement non négligeable, il nous semble indispensable d’entreprendre les démarches juridiques en vue d’une dénonciation de la convention qui lie Lille 1 à la SATT. Dans un premier temps.
Ensuite repenser sérieusement nos représentations diverses dans les structures décisionnelles qui se multiplient et qui diluent le contrôle par la base sur les décisions prises. La BASE, celle qui FAIT L’UNIVERSITE.