Évaluation des PRAG-PRCE : la fin de la notation ?
Un projet de décret paru mi-novembre 2011, accompagné d’un projet d’arrêté entend mettre en œuvre une évaluation basée sur une logique d’entretien professionnel avec le supérieur hiérarchique [1], donnant lieu à rapport et propositions de "bonification" d’avancement de carrière [2] des personnels enseignants, d’éducation et d’orientation. [3].
Ces textes concernent aussi les collègues agrégés et certifiés affectés dans l’enseignement supérieur (alias "PRAG" et "PRCE"), en particulier l’article 23 pour les PRAG et l’article 31 pour les PRCE dans le projet de décret, ainsi que les articles 4, 5 , 7 et 16 du projet d’arrêté.
Les enseignants du second degré en activité dans les établissements du supérieur ne sont pas soumis à l’inspection. Leur notation par le chef d’établissement s’effectue avec une large variété de pratiques, depuis la seule décision du Président d’Université, jusqu’à une procédure harmonisée comme celle progressivement mise en place et améliorée sur Lille 1 à partir de 2004 : proposition de notation par le responsable de service, commission d’harmonisation associant représentants syndicaux, représentants de l’administration et élus de CEVUR et CAR, proposition harmonisée soumise à l’avis des CEVUR et CAR. On peut voir par cet exemple que la notation au niveau local n’est pas forcément arbitraire, mais elle reste largement dépendante de la qualité des pratiques de chaque chef d’établissement, ce qui en soi est anormal lorsqu’il s’agit d’évaluer des fonctionnaires.
Nos collègues des premiers et second degrés bénéficiaient d’une double évaluation, une notation par leur supérieur hiérarchique et une notation d’inspection. Il en résultait un équilibre entre l’appréciation locale et celle d’un inspecteur de la discipline. Cette notation intervenait sur le rythme de passage d’échelon (ancienneté, choix, grand choix). Bien qu’imparfaite, notamment par l’irrégularité des inspections et non exempte de détournement, la double évaluation était une forme de garantie contre les dérives du localisme qui met à mal le statut de fonctionnaire.
De plus, jusqu’ici, la note constituait une évaluation de l’ensemble de la carrière car seul son rythme de progression était l’objet de discussion. Note et durée d’échelon (selon ancienneté, choix et grand choix) déterminaient les perspectives d’accès à un avancement de grade ou de corps.
Le poids accru de l’aspect local de l’évaluation dans ce projet peut ouvrir à toutes les dérives : clientélisme, soumission… L’absence de formation du supérieur, son incompétence à évaluer l’ensemble des disciplines décentreront, de fait, son appréciation de la valeur de l’agent sur d’autres critères que ceux qui fondent le cœur du métier : ce ne sera plus la capacité didactique qui sera jugée, mais plutôt le respect des prescriptions, l’engagement dans des projets, l’implication personnelle dans des tâches périphériques, voire la qualité des relations entretenues avec le supérieur...
La logique de l’autonomisation des établissements d’enseignement qui met plus de pouvoir entre les mains du chef d’établissement (cf expérience du dispositif Eclair avec ses innovations en matière de ressources humaines ), la mise en concurrence entre personnels par progression de carrière « au mérite », contribuent à détruire les cadres et statuts de la fonction publique d’éducation.
Le modèle de l’entreprise et de sa gestion des ressources humaines est utilisée pour mettre à mal les services publics, ouvrir la concurrence aux établissements privés en gommant les garanties d’égalité de traitement et d’égalité d’accès sur le territoire à un service de qualité.
L’autonomie accrue et la mise en concurrence ne contribuent qu’à la montée des inégalités et l’accélération des injustices sociales et scolaires. Cette mesure sur l’évaluation vient consolider et achever ce qui est en marche depuis longtemps : une école managériale qui ne prend plus appui sur
les valeurs du service public mais qui, au contraire, consacre le règne des comparaisons internationales, du pilotage par les chiffres et la performance. Contrats d’objectifs, mise en concurrence des établissements par l’assouplissement de la carte scolaire, relégation de certains publics dans des structures de seconde zone… C’est l’agonie d’une éducation nationale.
Il est aujourd’hui temps, pour ce gouvernement, de formater les agents aussi pour qu’ils rentrent dans le moule de l’école capitaliste, et assurent la reproduction de ce modèle auprès des élèves dont ils assurent la formation…
[1] clairement inspirée des méthodes du « privé »
[2] =raccourcissement de la durée de séjour dans les échelons
[3] Une évaluation a été mise en place pour les personnels BIATOSS dans l’administration de l’Éducation Nationale et celle de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche depuis quelques années}}. Elle a donné lieu et donne encore lieu à de multiples contestations
Claire Bornais
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