Snesup Lille 1

Excellence » de l’enseignement supérieur et de la recherche et mono-agriculture intensive : mêmes concepts, mêmes effets ?

lundi 25 octobre 2010 par Claire Bornais

Contribution FSU Lille 1 (SNASUB, SNCS, SNESUP), juillet 2010

Les grands projets régionaux qui émergent à l’occasion de l’opération dite « investissements d’avenir » ou « grand emprunt », sont remplis du mot « excellence », à l’image des documents ministériels définissant les objectifs et conditions d’attribution des financements. [1]

Or, les observations sur le terrain conduisent à la conclusion que l’excellence se traduit en pratique par l’ampleur de l’exclusion qu’elle génère ! Par définition tout le monde n’est pas excellent... Et moins il y a d’admis dans le cercle des excellents, plus celui-ci devient convoité et prestigieux (indépendamment ou presque de ses qualités intrinsèques, pourraient même ajouter des mauvais esprits...). L’usage à longueur de discours de ce mot n’est donc pas de nature à rassurer sur les intentions profondes qui motivent les décideurs lançant les salves d’appels à « projets d’excellence ».

D’autre part, à la lecture des documents définissant les conditions à remplir pour bénéficier des largesses de l’Etat, des collectivités territoriales, et des entreprises attirées par « l’excellence des projets », il apparaît un parallèle troublant entre cette politique de « pôles d’excellence » qui s’est mise en place et se développe fortement, et celle qui a été menée depuis plus de 50 ans dans l’agriculture .

Il s’agit au fond, en définissant des pôles d’excellence, de privilégier quelques secteurs rentables, qu’on va soutenir, en organisant les restructurations pour qu’ils atteignent une taille suffisante, comme on a organisé le remembrement agricole pour faciliter la mécanisation à outrance du travail agricole.

Ces secteurs sont choisis pour leur notoriété actuelle et l’importance des retombées économiques escomptées à court terme, tout comme on a favorisé certaines productions agricoles qui intéressaient l’industrie agro-alimentaire pour leur facilité d’utilisation ou de transport. On va leur apporter des engrais financiers, les irriguer en recrutant de « grandes pointures internationales » en recherche, pour qu’ils produisent beaucoup des fruits calibrés bien commercialisables. Il s’agira aussi d’éliminer les parasites et nuisibles qui pourraient éventuellement s’attaquer à ces secteurs privilégiés, et faire tache, intéressant moins les clients, qui soupçonneraient un défaut de qualité. La réforme du statut des enseignants-chercheurs et la loi sur la mobilité des fonctionnaires pourraient alors jouer le rôle des pesticides et désherbants agricoles, pour débarrasser les champs d’excellence des indésirables...

Les résultats à long terme de cette politique risquent fort de ressembler à ce qu’on observe actuellement dans l’agriculture  :

  • une production surabondante et standardisée, sans saveur, et aux qualités nutritives affaiblies,
  • des conditions de production dangereuses pour la santé des producteurs, soumis à de fortes pressions pour rester compétitifs sur le marché,
  • des terrains surexploités nécessitant toujours plus d’engrais pour maintenir les rendements,
  • la perte de nombreuses variétés locales nécessitant moins de fertilisants et pesticides car mieux adaptées, ainsi que celle de nombreuses espèces animales et végétales participant à l’équilibre de l’écosystème et à la richesse du terrain,
  • la disparition des unités de production de petite taille, au profit de plus grosses, où le libre arbitre des acteurs disparaît, dicté désormais par les choix économiques de production décidés ailleurs.

Cette politique, basée sur le dogme de la rationalisation des moyens pour un profit maximal à court ou moyen terme, méconnaît un point fondamental : la plupart des découvertes qui ont maintenant de grandes retombées sont souvent dues au hasard ou sont issues de questions « académiques » qui pouvaient apparaître sans intérêt économique à l’époque où des esprits curieux se les sont posées... Nul ne peut garantir que les choix opérés actuellement soient réellement ceux qui sont porteurs d’avenir pour l’humanité. Si les milieux économiques considèrent la diffusion des nouvelles connaissances produites comme une priorité, cela doit se traduire par leur large participation au financement des embauches nécessaires au transfert des connaissances. Or tous les indicateurs montrent la faiblesse de financement de la recherche par les entreprises en France. Cela ne doit pas se faire en concentrant les moyens publics sur quelques secteurs au détriment de tous les autres, au nom de l’efficacité économique à court terme.

[1Dans le document soumis à contributions des personnels de l’Université Lille1 , on trouve :
- renforcer les points d’excellence,de niveau international et à fort potentiel de développement, notamment dans le domaine de la santé et des Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication (STIC), et aussi de permettre le développement de thématiques scientifiques et sociétales, pour lesquelles les talents et les compétences des universités, des grandes écoles et des organismes de recherche du Nord - Pas-de-Calais sont déjà reconnus, nationalement comme internationalement.

- des instituts assurant à la fois le rayonnement de l’université à l’échelle nationale, européenne et internationale et sa pleine participation au développement des territoires seront constitués autour des laboratoires d’excellence

- Les thématiques retenues à l’échelle européenne (programme Cadre), nationale (SNRI) et régionale seront privilégiées. Elles s’appuieront sur des formations d’excellence à l’innovation,

- pôles de compétitivité et d¹excellence, réseaux d’excellence, formations d’excellence

- L’offre régionale est riche, couvre l’ensemble des champs disciplinaires, avec des domaines d’excellence reconnus

- L’Université, espace de recherche, de diffusion et d’acquisition des connaissances, dans une région au niveau de vie et de qualification plus faible qu’ailleurs, doit porter une attention particulière aux conditions d’étude de ses étudiants et leur donner les moyens d’être les premiers bénéficiaires du projet d’excellence porté ici.

- ambition d’excellence


titre documents joints

Contribution FSU sur "l’excellence" et ses effets dans la recherche et l’enseignement supérieur

27 octobre 2010
info document : PDF
365.8 ko

"Excellence "
de l’enseignement supérieur et de la recherche
et
mono-agriculture intensive :
mêmes concepts, mêmes effets ?


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